CESSER D’EFFACER !

On déboulonne la statue de Christophe Colomb au Mexique, celle du général Lee en Virginie.

En France, on change le titre de l’œuvre maîtresse d’Agatha Christie « Dix Petits Nègres » pour devenir « Ils étaient dix ».

Au Canada, on organise une « épuration littéraire » en brûlant 5 000 livres Jeunesse (comme « Tintin en Amérique ») jugés racistes, discriminants et offensants pour les Autochtones, avec l’objectif de « se réconcilier avec les Premières Nations ».

À quoi rime ce type de comportements édictés par une minorité militante dont on fait des groupes de pression avec une condescendance troublante, laquelle ressemble à de l’auto-flagellation acceptée ?

Jean-Yves Mollier, historien et auteur de l’essai intitulé « Interdiction de publier – La censure d’hier à aujourd’hui » s’indigne, à juste titre, quant à ces pratiques qu’il associe à de la censure, et parfois à de l’autocensure imposée par des franges extrémistes de mouvements revendicatifs. Il les présente comme des « groupes à géométrie variable, instables, qui évoluent en fonction de la conjoncture. » Il évite l’enfermement dans lequel ces mêmes groupes pourraient le conduire en précisant : « Qu’on ne se méprenne pas ; je ne dis pas que les causes qu’ils défendent ne sont pas justes, mais j’affirme que les plus radicaux de leurs membres en arrivent à des perversions de l’esprit. »

L’extrémisme est à la fois dangereux, pervers, redoutable et même devient ridicule. C’est ce qui pousse, par exemple, certaines écoles à retirer « La Belle au bois dormant » de leurs bibliothèques sous prétexte que le baiser du prince charmant à la jeune endormie n’est pas consenti, et qu’il y a donc abus sexuel du mâle dominant sur la faible demoiselle.

Certes, il peut être étonnant de faire de Christophe Colomb un héros vertueux alors que le découvreur a aussi ouvert la porte aux envahisseurs exterminateurs ! Certes, Lee a été un esclavagiste méprisant. Certes, il y a du raciste et de la misogynie chez Tintin (et son auteur) ! Certes, le terme « nègre » est devenu très péjoratif, voire insultant aujourd’hui ! Mais, il y a surtout un besoin urgent de contextualiser les événements et les œuvres d’hier. Là est la véritable pédagogie de l’Histoire.

Le passé s’analyse ; il ne se corrige pas. Ce qui est fait est fait ! Il faut s’en plaindre et savoir ne pas recommencer, et encore moins continuer. Vouloir effacer pour, peut-être, oublier la perversion dont nous sommes capables – parfois avec la meilleure volonté du monde – c’est refuser de voir honnêtement et frontalement notre nature pécheresse. C’est prendre le risque de ne pas tirer enseignement de ses erreurs.

Plus symboliquement encore, vouloir effacer nous-mêmes les erreurs, c’est aussi une vanité profondément humaine. Sous l’apparence d’une noble démarche, elle prouve notre volonté farouche d’éviter Dieu et son action. Nous nous approprions la capacité d’effacer la faute alors que c’est une prérogative exclusive de Dieu. C’est ce qu’exprime avec lucidité David dans le psaume 32 : « Je t’ai fait connaître mon péché, je n’ai pas caché mon iniquité. J’ai dit : J’avouerai mes transgressions à l’Éternel ! Et tu as effacé la peine de mon péché. »

À noter que ce n’est pas le péché qui est ôté, mais la peine de l’avoir commis, après l’avoir reconnu !

L’ironie, notamment avec l’ouvrage d’Agatha Christie, c’est que les 74 mentions de « nègres » dans l’édition originale, sont remplacées par « soldat ». N’est-ce pas l’apologie d’une autre violence que ce choix ? De plus, et c’est le comble de l’absurde, sur la couverture des nouvelles éditions, on peut lire, sous le titre « Ils étaient dix » la mention « Précédemment publié sous le titre ‘Dix Petits Nègres’ ». 

Le ridicule aurait-il cessé de tuer ?

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