COMMENT GÉRER LE SCANDALE ? -2-

Face aux divers scandales qui bousculent l’actualité, je peux faire encore un peu plus l’autruche et éviter de regarder.
Je peux aussi m’indigner et me draper dans une cape de vertu. Je peux tolérer à mon tour et me dire que, de toute façon, le monde n’ira pas en s’améliorant ! Et c’est vrai !

Le monde ne va pas vers un avenir meilleur, mais vers le pire. C’est la Bible qui le dit. Alors faudrait-il aller à contre-courant ? Est-il nécessaire de lutter contre ces déferlantes abjectes ? Les prophètes annoncent une décadence de plus en plus forte jusqu’à la fin des temps. Ce n’est pas le bien qui gagne du terrain, mais le mal. Du coup, faut-il s’étonner du mal dans le monde et s’offusquer encore de scandales annoncés ? Ne faut-il pas plutôt attendre et veiller un peu sur soi ?

Ces questions sont difficiles parce que même oser dire et défendre les valeurs de l’Évangile est devenu compliqué, voire dangereux. Faut-il attendre que cela passe lorsque l’on sait que cela ne passera pas ?

En cherchant une base de réflexion dans la Bible pour m’aider à trouver une attitude cohérente, je découvre un scandale contre lequel l’apôtre Paul s’insurge.

Jusque dans l’Église

Lorsqu’il écrit aux chrétiens de Corinthe, Paul s’engage sur un terrain mouvant. Mais il soulève, sans crainte, un sujet difficile, et même un scandale dans l’Église : « On entend dire partout qu’il y a chez vous un scandale, et un scandale tel qu’on n’en voit même pas chez les païens… » (I Co. 5. 1). Le scandale (la pierre d’achoppement) c’est un cas d’inceste. Ai-je bien lu ? Un homme couche avec sa mère ! Oups ! Première réaction, à froid : Comment est-ce possible dans l’Église ? C’est peut-être ce que certains se demandent, dans une naïveté touchante. Il ne s’agit pas de dire qu’à l’époque, cela se faisait ! Le Deutéronome, qui n’évite aucun sujet, interdit formellement ce type de pratique. Oui mais, diront certains, on n’est pas en Israël, et les Corinthiens ne sont pas des Juifs, plutôt des grecs, avec une tout autre culture. C’est vrai, pourtant même les lois païennes et les lois romaines dénoncent et interdisent l’inceste. Donc, quelle que soit la culture, les intéressés sont coupables. Cependant, interdire une chose ne suffit pas pour l’empêcher d’exister. La pratique dénoncée est immorale pour les païens ; elle l’est doublement pour les chrétiens. La chose est dénoncée par Paul, et c’est le principe du péché immoral qu’il faut saisir, sans s’arrêter sur les détails scabreux et les interrogations sordides à poser autour du cas précis.

Faut-il ainsi dénoncer ?

On pourrait se dire que Paul n’aurait pas dû soulever ce cas dans une lettre destinée à toute la communauté chrétienne de Corinthe. On aurait pu préférer qu’il envoie un message privé au responsable de l’assemblée pour que cette affaire soit traitée de façon plus confidentielle. Mais non ! Paul y va avec ses gros sabots et il éclabousse tout le monde. Il faut dire que la chose semble être devenue très publique : « On entend dire partout qu’il y a chez vous… » Très mauvaise publicité ! Pourquoi l’apôtre met-il cela sur la table ? Est-ce que ce problème est particulièrement grave ? Oui certainement ! Mais encore…

Le scalpel de Paul

Paul veut agir pour le bien du plus grand nombre et il vise deux situations : il y a le coupable d’inceste, et il y a la complaisance de l’Église qui ne pouvait que savoir, mais qui fermait les yeux. Et pourquoi fermait-elle les yeux ? Pourquoi cette fameuse et terrifiante Omerta (la loi du silence) ? Parce que l’inceste n’était pas un sujet assez grave pour le mettre sur le tapis ? Et qu’il était plus ou moins toléré et accepté dans l’environnement d’une ville aux multiples corruptions ? À priori, non ! Et même si c’était le cas ! Est-ce que c’est juste de dire : Parce que tout le monde le fait, je peux le faire ? Puisque tout le monde triche avec le fisc, je peux mentir dans mes déclarations ? Serait-on trop bête de ne pas faire comme tout le monde ? Quel raisonnement stupide et perfide !

Les fausses excuses

Peut-être que l’Église ne disait rien parce que les personnes impliquées avaient une certaine notoriété, un certain pouvoir, de l’influence, de l’argent… Naturellement, je n’avance que des hypothèses qui sont de la science-fiction, parce que ces situations n’existent pas dans les églises ! Pourtant, osons la question : est-ce que la faute d’un privilégié, d’un nanti, d’un riche, d’un haut placé, est moins grande que la même faute chez un pauvre type ? Confidence d’un ami aumônier de prison devenu confesseur dans une église d’un riche quartier de Paris : « J’ai entendu des choses plus graves dans le confessionnal que dans certaines cellules de prison. La différence : il y a de gens qui se font prendre et d’autres qui échappent ! » Faut-il accepter en disant : bonne chance et évite de te faire pincer ! Finalement, ce n’est pas important de savoir pourquoi l’Église a fermé les yeux. Sauf si c’est pour fermer les yeux sur ses propres fautes.

Le risque de dénoncer

C’est aussi prendre un gros risque que de dénoncer le mal. On se reçoit alors une tarte à la crème du style : « Tu peux bien faire le malin et pointer les fautes des autres ; comme si toi, tu étais parfait ! » Et du coup, on se tait parce que l’on craint voir sortir des dossiers douteux plus ou moins enterrés. C’est un peu le reproche que peut se permettre aussi Jésus lorsqu’Il demande : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » Cette remarque de Jésus, dans le Sermon sur la Montagne, illustre un passage intéressant puisqu’il s’agit du jugement que l’on porte sur les autres. Avec la consigne : tu seras jugé avec la même justice que tu exerces sur les autres. C’est ici un point à méditer, mais ce n’est pas le propos à suivre aujourd’hui.

Faire la part des choses

Revenons à Paul et aux Corinthiens. L’apôtre est conscient que nous ne sommes pas dans un monde parfait ; que si nous devions nous extraire de toute influence mauvaise et de toute expression du mal, il nous faudrait sortir du monde. Il le dit ainsi : « Dans ma précédente lettre, je vous ai écrit de ne pas avoir de contact avec ceux qui vivent dans l’immoralité. Je ne visais pas, d’une façon générale, tous ceux qui, dans ce monde, sont immoraux, envieux, voleurs, ou adorateurs d’idoles. Sinon, vous devriez sortir du monde ! Je voulais vous dire de ne pas avoir de contact avec quelqu’un qui, tout en se donnant le nom de chrétien, serait immoral, envieux, adorateur d’idoles, calomniateur, ivrogne ou voleur. » Sortir du monde, c’est une solution que certains ont décidé de vivre. Loin du monde et des hommes pécheurs, des influences mauvaises et des fréquentations toxiques. Or, celles et ceux qui s’éloignent du monde et construisent autour d’eux une espèce de cordon sanitaire, ne vivent pas dans le paradis pour autant puisque on observe, même dans ces zones protégées, des déviances et des perversions. Le mal surgit au milieu d’eux avec des problèmes qu’ils voulaient pourtant éviter. Pourquoi ? Parce que le mal autour de nous est aussi, et déjà, en nous ! La solution n’est pas nécessairement de nous extraire du monde, mais d’extraire le monde qui est en nous.

(À suivre)

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