COMMENT GÉRER LE SCANDALE ? -3-

Alors que je réfléchis à l’attitude à avoir face aux scandales qui éclaboussent notre quotidien avec des affaires de plus en plus graves et sordides, de la pédophilie d’un écrivain honoré aux sportives violées par leurs entraineurs en passant par les violences sexuelles dans bien des sphères protégées, j’interroge la Bible qui me plonge dans un scandale non moins dramatique et indigne : un cas d’inceste dans l’Église de Corinthe. L’apôtre Paul, qui a fondé cette église quelques années plus tôt, s’empresse de réagir avec force et autorité.

Une solution radicale

Paul pointe la situation scandaleuse dont il faut guérir, aussi bien les coupables que l’Église tout entière. Il n’y a, selon lui, qu’une seule solution, très radicale. Cette radicalité dans le traitement est sévère, difficile, douloureuse et compliquée. Mais elle est à hauteur du mal dont il faut s’affranchir. Il faut exclure ! Exclure ! Quel vilain mot qui en rappelle un autre : excommunication ! Pas de complaisance. Pas de circonstances atténuantes. Pas de blablabla pour minimiser la situation ou la faute.

Le double sens de l’exclusion

Or, aussi dure qu’elle puisse paraître, l’exclusion a deux objectifs : 1- Préserver la communauté ; éviter la contamination. La contamination, c’est la tolérance qui fait que l’on accepterait tout, et sans limite. En effet, il y a dans la communauté des gens fragiles, des gens simples, des gens faibles, des gens qui luttent contre le mal en eux et qui galèrent. Tous ces gens risquent de sombrer si on accepte l’inacceptable des autres. Ces gens vont s’effondrer au lieu de résister. Ils vont capituler au lieu de vaincre. Il faut donc prendre soin d’eux. Il ne s’agit pas de se croire tellement supérieur dans ses comportements qu’avec dédain et prétention, on écrase le fautif, le pécheur, pour se retrouver sur une espèce de piédestal. Il s’agit de prendre conscience que ce n’est pas la force et la vertu de la communauté que l’on protège en excluant, mais sa fragilité et sa faiblesse. L’exclusion semble sévère, mais quand on est malade, on n’est pas complaisant avec les microbes sous prétexte qu’il faut bien qu’ils vivent, eux aussi ! On éradique. Pourquoi ? Non pour punir le microbe, mais pour se soigner et éviter la contagion à toute la communauté. 2- L’exclusion n’est pas bénéfique seulement pour les « sains » (et non les « saints »). Elle a une valeur pédagogique d’avertissement pour le fautif. L’apôtre le dit bien : « Vous livrerez cet individu au pouvoir de Satan, mais c’est pour que son esprit soit sauvé au jour du Seigneur. » Le fautif, s’il n’est pas sanctionné, ne sait pas qu’il commet une faute. Une fois qu’il peut mesurer son erreur, il a deux pistes qui s’ouvrent devant lui : Soit « Je persiste et signe ! » et dès lors, il signe son arrêt de mort éternelle. Soit « Je me repens » et alors, la sanction devient une bénédiction parce qu’elle a permis un examen de conscience et entraîné la repentance, voire la conversion.

Sans protection

L’expression de Paul « Livrer à Satan » est choquante ! Mais il fait mesurer aussi que la situation dont parle l’apôtre est choquante. Et si nous l’oublions, c’est que déjà nous relativisons la faute par rapport au châtiment. Par ailleurs, il ne s’agit pas de lancer une invocation à Satan pour qu’il se saisisse du fautif, mais l’exclusion de la communauté entraîne, pour l’exclu, une exposition plus grande au mal. En effet, si Dieu retire sa protection, l’homme se retrouve sans défense devant le mal. Il est alors possible que le fautif, conscient de sa faute et de sa vulnérabilité, soit assez secoué pour susciter en lui la repentance. C’est la situation dans laquelle se retrouve le fils prodigue qui mesure soudain tout ce qui lui manque quand il est loin de son père.

Guérir de ses prétentions

Enfin, il ne faut pas focaliser toute notre attention sur le cas de l’inceste. Il faut regarder au-delà et constater qu’il y a une autre chose à corriger, c’est la prétention de l’Église. En effet, si Paul met sur la table ce problème, c’est aussi parce que l’Église se prétendait supérieure. L’apôtre titille la communauté en disant : « Vous faites les fiers et les malins. Vous vous targuez d’être meilleurs que tout le monde. Vous vous gonflez d’orgueil. Mais franchement, regardez ce que vous tolérez en votre propre sein ! N’est-ce pas honteux ? »

La rupture nécessaire

Paul fait ensuite un étrange parallèle avec la Pâque. Il déclare : « un peu de levain fait lever toute la pâte. » Cette affirmation culinaire est positive. C’est mieux, une pâte levée et un pain aéré. Mais l’image qu’emploie Paul se veut être, dans le contexte, négative. Le levain est une pâte fermentée extraite des préparatifs précédents. Le pain sans levain est donc sans trace de l’ancien pain, et il marque un nouveau départ. Le sens du repas pascal va vers une nouveauté de vie, sans trace avec l’ancienne, c’est une rupture nécessaire. L’Église doit vivre sa nouveauté de vie, et même fêter cela, en extirpant le mal. Nous avons tous à extraire de notre cœur ce qui est mauvais et qui risque de nous entraîner dans des situations d’autant plus scandaleuses et graves que nous sommes sensibilisés au message de l’Évangile. Et il est possible de vaincre le mal dès lors que nous laissons le Christ, notre Pâque, vivre en nous. Comme le signale un autre apôtre : Celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde. Voilà l’assurance de la victoire.

Pour terminer, je vais reprendre ici tout ce passage de l’épître aux Corinthiens qui a alimenté ma réflexion. Voici les versets qui ont éclairé ma réflexion, et c’était utile.

1 Corinthiens 5

On entend dire partout qu’il y a de l’immoralité parmi vous, une immoralité si grave que même les païens ne s’en rendraient pas coupables : on raconte, en effet, que l’un de vous vit avec la femme de son père ! Et vous faites encore les prétentieux ! Vous devriez au contraire en être affligés, et l’auteur d’une telle action devrait être chassé du milieu de vous. Quant à moi, même si je suis absent de corps, je suis près de vous en esprit ; et j’ai déjà jugé au nom de notre Seigneur Jésus celui qui a si mal agi, comme si j’étais présent parmi vous. Lorsque vous serez assemblés, je serai avec vous en esprit et la puissance de notre Seigneur Jésus se manifestera ; vous devrez alors livrer cet homme à Satan pour que son être pécheur soit détruit, mais qu’il puisse être spirituellement sauvé au jour du Seigneur. Il n’y a pas de quoi vous vanter ! Vous le savez bien : « Un peu de levain fait lever toute la pâte.» Purifiez-vous donc ! Éliminez ce vieux levain pour que vous deveniez semblables à une pâte nouvelle et sans levain. Vous l’êtes déjà en réalité depuis que le Christ, notre agneau pascal, a été sacrifié. Célébrons donc notre fête, non pas avec du pain fait avec le vieux levain du péché et de l’immoralité, mais avec le pain sans levain de la pureté et de la vérité. Dans ma précédente lettre, je vous ai écrit de ne pas avoir de contact avec ceux qui vivent dans l’immoralité. Je ne visais pas, d’une façon générale, tous ceux qui, dans ce monde, sont immoraux, envieux, voleurs, ou adorateurs d’idoles. Sinon, vous devriez sortir du monde ! Je voulais vous dire de ne pas avoir de contact avec quelqu’un qui, tout en se donnant le nom de chrétien, serait immoral, envieux, adorateur d’idoles, calomniateur, ivrogne ou voleur. Vous ne devez pas même partager un repas avec un tel homme. Ce n’est pas mon affaire, en effet, de juger les non-chrétiens. Dieu les jugera. Mais ne devriez-vous pas juger les membres de votre communauté ? Il est écrit, en effet : « Chassez le méchant du milieu de vous. »

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